La politique agricole commune (PAC), naguère fer de lance et fierté d’une construction européenne au service des Européens et d’une certaine idée de l’Europe, est à l’agonie. Devenue peu à peu une simple monnaie d’échange dans les discussions de marchands de tapis mercantilistes qui ont lieu à l’OMC, elle est promise, si l’on ne réagit pas, à un lent démantèlement dans le cadre de sa prochaine « remise à plat ».
Indépendance alimentaire, sécurité sanitaire, aménagement harmonieux des territoires ruraux européens, développement de « l’arme verte » pour peser sur l’évolution du monde, aide aux pays en voie de développement ? Que nenni, à force d’avoir été dévoyée, rabotée, la PAC est devenue une usine à gaz aux ambitions rabougries, que s’acharnent à liquider les pays de l’UE aux intérêts agricoles modestes tout comme une Commission de Bruxelles dogmatiquement hostile à toute idée de régulation - le dossier du lait l’a encore tristement illustré avant-hier. La France, qui a laissé faire, porte une très lourde responsabilité dans cet immense gâchis, qui ne met pas seulement en péril ses propres équilibres socio-économiques et territoriaux, mais le projet d’une Europe européenne bénéfique à tous les Européens.
Dernier épisode en date de cette gestion agricole qui marche sur la tête, la Commission de Bruxelles demande aux Etats membres de laisser entrer sur leur territoire du soja américain destiné à l’alimentation animale, auquel a été ajouté du maïs OGM pourtant strictement interdit en Europe !
C’est la Coordination Rurale qui vient de lever ce nouveau « lièvre », expliquant en substance que les multinationales américaines exportatrices de soja y incorporent délibérément du maïs OGM pour en forcer la consommation en Europe et ainsi obtenir la levée de l’embargo décidé à contrecœur par Bruxelles sous la pression des opinions publiques.
Au passage, la Coordination Rurale épingle légitimement l’incroyable politique de la Commission qui a consisté, ces dernières années, à laisser mourir en Europe la culture de protéines végétales destinées à l’alimentation animale, à seule fin de la délocaliser outre-Atlantique pour donner des gages libres échangistes à Washington et à l’OMC.
Le résultat de cette politique désastreuse est sous nos yeux : les éleveurs européens ne peuvent pas se passer du soja américain (c’est la raison invoquée par Bruxelles pour laisser entrer aujourd’hui le soja contaminé) puisqu’il n’y en a plus en Europe, et les entreprises américaines, qui assurent 75% des importations européennes de protéines végétales, peuvent nous imposer leur diktat transgénique - avec la bénédiction de la Commission…
Il est de bon ton aujourd’hui de vanter la modernité de l’interdépendance économique et commerciale, de récuser comme passéiste toute politique d’indépendance stratégique. C’est d’ailleurs au nom de ce slogan que les gouvernements français successifs, de droite comme de gauche, ont infligé aux Français leur politique européenne de capitulation quasi permanente.
Mais, à bien y regarder, le souci de l’indépendance, porté en son temps par le général de Gaulle, est-il si ringard, si inutile ? « Quand on ne veut pas se défendre, ou bien on est conquis par certains ou bien on est protégé par d’autres. De toutes manières, on perd sa personnalité politique, on n’a pas de politique ». Ce propos du Général concernait l’OTAN (dont il est aussi grandement question ces derniers temps), mais on pourrait également l’appliquer à la gestion calamiteuse du soja par la Commission de Bruxelles.
Au lieu de se résigner au démantèlement terminal de toute régulation agricole en Europe, la France doit enfin réagir, se battre pour un renouveau d’une Politique Agricole Commune fidèle à ses principes d’origine.
NDA